Kolumne

Le franco-allemand à l’aube des Européennes

von Gilbert Casasus | May 2024
Bien que règle non écrite sur les tables de la loi européenne, l’adage selon lequel l’Europe va quand le franco-allemand va, reste plus vrai que jamais. Aujourd’hui, le franco-allemand ne va pas. Et l’Europe s’en ressent. Sans tomber dans le pessimisme d’ un Emmanuel Macron pour qui l’Europe est mortelle, l’optimisme n’est guère de rigueur. Ni à Paris, ni à Berlin.

Les Français rejettent la faute sur les Allemands et les Allemands sur les Français. C’est de bonne guerre, mais cela ne fait pas avancer le schmilblic d’un iota. En revanche, l’Union européenne en pâtit, car elle ne bénéficie plus de cette indispensable dynamique franco-allemande, nécessaire à sa survie, et plus encore à sa propre force de progrès.

À l’aube des élections européennes du 9 juin prochain, la France et l’Allemagne sont confrontées à la même difficulté politique : leurs gouvernements respectifs sont mal en point et les partis majoritaires n’ont de majoritaire que leurs noms. Reconnu pour son action internationale, le président de la République française ne recueille que le soutien d’une minorité de ses concitoyens. Quant au chancelier allemand, il est critiqué de toutes parts, tant sur le plan intérieur que sur celui de sa politique étrangère.

Les faux-amis de l’Europe

Au petit jeu du ce n’est pas de ma faute, mais de la tienne, personne ne sortira gagnant. Ni dans l’un ou l’autre de leurs pays et, encore moins, auprès des vingt-sept. À se rejeter mutuellement la responsabilité des erreurs commises ces dernières années, Paris et Berlin ont laissé le champ libre aux faux-amis de l’Europe, non seulement à Viktor Orbán, mais aussi à Giorgia Meloni. Leurs thèses ont le vent en poupe, à l’heure où le Rassemblement national du tandem Bardella-Le Pen devancera largement tous ses adversaires le soir du scrutin européen ; au moment même où la République fédérale s’interroge sur le succès d’un parti dont elle n’est pas la seule à avoir honte.

Faute d’avoir su réformer ensemble l’Union européenne, la France et l’Allemagne n’ont pas été à la hauteur de leur mission. Ils n’ont trouvé aucune réponse à la crise de légitimité qui traverse le continent européen. De surcroît, ils n’ont jamais été en mesure de raviver une flamme européenne en berne. Prisonnière d’un traité de Lisbonne qui a fait son temps, ils n’ont pas engagé la moindre réflexion commune pour réanimer l’esprit européen qui a fait les beaux jours du franco-allemand. Car, sauf preuve du contraire, l’Europe c’est plus et mieux que la Russie, que la Chine, que les USA sous menace trumpiste et que cet indéfinissable Sud-Global, encensé à tout bout de champ, mais qui recèle en son sein des États dont la conception démocratique n’a rien d’exemplaire.

 En perte de vitesse dans le Sahel, l’Hexagone est l’une des premières victimes des appétits autoritaires de Vladimir Poutine. De son côté, sujette à une et mille difficultés pour s’affranchir d’une politique étrangère encore trop favorable à Moscou, la RFA ne sait pas et ne veut pas répondre aux offres de son homologue français pour consacrer l’idée d’une Europe puissance. Celle-ci n’a rien d’hégémonique, eu égard à un environnement mondial devenu de plus en plus belliciste et, par conséquent, beaucoup moins pacifique.

Le dossier Ursula von der Leyen

La France et l’Allemagne ne changeront pas le monde. Mais, on aurait pu s’attendre à mieux. Leur spectacle franco-allemand n’est pas à la hauteur de sa réputation historique. Et rien ne laisse présager, pour l’instant, une quelconque amélioration. Toutefois, Paris et Berlin pourraient profiter de l’allusion, à peine voilée d’Ursula von der Leyen, selon laquelle, pour sauver sa tête, elle saurait, au parlement de Strasbourg, s’allier circonstanciellement avec le groupe des conservateurs et réformistes européens, qui, faut-il s’en souvenir, est composé d’élus très à droite, voire d’extrême droite. Dans ces conditions, le mandat de l’actuelle présidente de la Commission européenne ne mérite pas d’être renouvelé. Le gouvernement français a déjà exprimé ses plus vives réserves face à sa reconduction. Quant à Olaf Scholz, à la tête d’une coalition tripartite avec le SPD, les Verts et les Libéraux, il pourrait fort bien proposer au nom de son pays une autre candidature allemande que celle de la démocrate-chrétienne Ursula von der Leyen au poste de Commissaire européen. Mieux encore, avec son homologue Emmanuel Macron, il présenterait une personnalité européenne qui rendrait à l’UE les lettres de noblesse qu’elle mérite. Et faisant d’une pierre deux coups, la France et l’Allemagne remettraient alors le franco-allemand sur les rails d’un succès dont l’Europe a impérativement besoin.